Martyre de l’art
Une martyre de l’art
Née le 08 décembre 1864, à Fère en Tardenois dans l’Aisne, Camille CLAUDEL est issue d’une famille bourgeoise.
Dès son enfance, elle se prend de passion pour la sculpture. Soutenue par son père qui contrairement à sa mère, l’encourage sur la voie artistique, elle rejoint la capitale en 1882 alors qu’elle n’est âgée que de 17 ans.
L’accès à l’école des Beaux-Arts est alors réservé à la gent masculine mais cela n’empêche pas Camille CLAUDEL de frayer son chemin et de se perfectionner. Un cours auprès de l’académie Colarossi lui permet d’obtenir le statut d’apprenti sculpteur qui lui permet de devenir l’élève d’Alfred BOUCHER (en 1882) et surtout du célèbre Auguste RODIN (dès 1883).
Une sculptrice femme dans un monde d’hommes
Le monde artistique est dominé par les hommes, néanmoins Camille CLAUDEL va vite rattraper son maître, Auguste RODIN. Les rapports qu’elle entretient avec lui sont forts. Elle devient très vite sa favorite. Les deux génies s’inspirent et se consument mutuellement.
L’influence d’Auguste RODIN sur Camille CLAUDEL est indéniable. Le naturalisme qui est au centre de ses œuvres en est l’une des expressions.
Cette influence n’empêche pas Camille CLAUDEL de développer un style qui lui est propre en se laissant guider par l’incandescence de ses propres émotions.
Ses œuvres telles que « le Buste de Rodin », « l’Age mûr » ou encore « les causeuses » en témoignent de façon éloquente.
Mais réciproquement Camille Claudel impulse dans l’œuvre de Rodin, une énergie indéniable qui électrice ses œuvres et leur donne la force et le mouvement que l’on connaît.
Défiant les règles de la société où elle évolue, Camille CLAUDEL place à travers ses œuvres hommes et femmes sur un pied d’égalité. Cela lui vaut pas mal de critiques. Ses critiques se retrouvent au cœur même de sa famille puisque sa mère n’a jamais approuvé la passion que sa fille avait pour la sculpture. Cette mère était-elle la victime inconsciente d’une pression sociale impitoyable ? Quoiqu’il en soit, elle jouera un rôle déterminant dans le tournant dramatique que prendra la vie de sa fille.
De même, au regard de son talent qui suinte de ses œuvres, la critique est injustement dure envers elle. Bien qu’elle ait souhaité s’affranchir de RODIN, aux yeux des critiques, elle reste son élève, et son œuvre est de ce fait jugée sans justification, comme le plagiat des œuvres de Rodin. Pourtant Auguste RODIN lui-même affirme « je lui ai montré où trouver de l’or, mais l’or qu’elle trouve est bien à elle. »
Quelque chose d’absent …
La terrible force sociale aidant, et bien que brillante, sa carrière va prendre fin brutalement d’une façon inimaginée. Après sa rupture avec Auguste RODIN en 1892, Camille CLAUDEL est diagnostiquée comme sombrant petit à petit dans la folie. Affectée par la rupture, Camille s’isole et devient paranoïaque selon les dires de son entourage.
Son frère, Paul, devenu diplomate mais aussi poète et écrivain talentueux, souhaite la faire interner. Leur mère qui n’a jamais apprécié l’œuvre de Camille est aussi pour l’internement. Seul le père de Camille CLAUDEL la protège d’un tel sort. Le complot familial est provisoirement déjoué grâce au père attentionné de Camille.
Malheureusement pour elle, cet homme qui fut le premier à détecter son talent pour la sculpture et à l’y encourager meurt le 02 mars 1913.
Après la mort de ce père et protecteur, Paul CLAUDEL n’attend pas une seconde de plus et avec l’autorisation express de sa mère, il interne Camille. Elle est ainsi enfermée de force le 10 mars 1913 à l’âge de 49 ans.
Quelle était la réalité de la maladie mentale de Camille Claudel ?
Cet internement est fortement discuté d’autant qu’il a pu être motivé pour Paul CLAUDEL par la jalousie (bien que talentueux, il vivait dans l’ombre de sa sœur), et pour leur mère par l’occasion de mettre fin à l’expression artistique de sa fille pour les raisons morales liées à l’époque.
Alors qu’elle demande à plusieurs reprises, à travers des lettres de supplication, que l’on mette fin au supplice de l’enfermement, Camille CLAUDEL meurt à l’asile de Montfavet à Villeneuve-lès-Avignon le 19 octobre 1943 après 30 ans d’incarcération psychiatrique. Parmi ces nombreux courriers, une lettre adressée au docteur Michaux.
« Vous ne vous souvenez peut-être plus de votre ex-cliente et voisine, Mlle Claudel, qui fut enlevée de chez elle le 3 mars 1913 et transportée dans les asiles d’aliénés d’où elle ne sortira peut-être jamais. Cela fait cinq ans, bientôt six, que je subis cet affreux martyre. Je fus d’abord transportée dans l’asile d’aliénés de Ville-Evrard puis, de là, dans celui de Montdevergues près Montfavet (Vaucluse). Inutile de vous dépeindre quelles furent mes souffrances (…) On me reproche (ô crime épouvantable) d’avoir vécu toute seule, de passer ma vie avec des chats, d’avoir la manie de la persécution ! C’est sur la foi de ces accusations que je suis incarcérée depuis 5 ans et demi comme une criminelle, privée de liberté, privée de nourriture, de feu et des plus élémentaires commodités (…) Mes parents ne s’occupent pas de moi et ne répondent à mes plaintes que par le mutisme le plus complet, ainsi on fait de moi ce qu’on veut. C’est affreux d’être abandonnée de cette façon, je ne puis résister au chagrin qui m’accable. Enfin j’espère que vous pourrez faire quelque chose pour moi et il est bien entendu que si vous avez quelques frais à faire, vous voudrez bien en faire la note et je vous rembourserai intégralement (…) Maman et ma sœur ont donné l’ordre de me séquestrer de la façon la plus complète, aucune de mes lettres ne part, aucune visite ne pénètre. A la faveur de tout cela, ma sœur ne s’est emparée de mon héritage et tient beaucoup à ce que je ne sorte jamais de prison. Aussi je vous prie de ne pas m’écrire ici et de ne pas dire que je vous ai écrit, car je vous écris en secret contre les règlements de l’établissement et si on le savait, on me ferait bien des ennuis ! (…) Je vous en prie : faites tout ce que vous pourrez pour moi car vous m’avez montré plusieurs fois que vous aviez beaucoup de prudence et j’ai bien confiance en vous. »
À son frère Paul qui ne lui rendra visite que 12 fois en trente ans, elle écrit : « Si tu n’as pas l’intention de venir me voir, tu devrais décider maman à faire le voyage, je serais bien heureuse de la voir encore une fois. En prenant le rapide, ce n’est pas si fatigant qu’on le dit, elle pourrait bien faire cela pour moi malgré son grand âge. »
Quant à sa mère elle ne lui rendra jamais visite ni sa sœur ni d’ailleurs ses amis ou même Rodin !
Si de son vivant son talent n’a pas été reconnu à sa juste valeur et que sa vie fut un véritable tourment, à partir des années 1950, son œuvre est largement connue et reconnue à sa juste. Cette reconnaissance posthume est encore d’actualité, en témoigne le musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine dont l’ouverture est prévue pour mars 2017.