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Malek Bennabi, Lebbeïk, Pèlerinage des pauvres

Malek Bennabi, Lebbeïk : Pèlerinage et transformation intérieure

Il est difficile de résumer en une seule impression l’effet que laisse ce livre de Malek Bennabi. L’anecdote raconte que ce roman fut écrit en une nuit, dans l’intimité d’une chambre d’hôtel. Cette fulgurance d’écriture se reflète dans l’expérience même de la lecture. Il est en effet impossible de le lire autrement qu’en un souffle, d’une seule inspiration.

Lebbeïk : Une plongée dans le pèlerinage à La Mecque

Véritable tableau vivant d’un événement majeur dans la vie d’un croyant, Lebbeïk nous plonge au cœur du pèlerinage à la Sainte Mecque. Ce lieu de convergence universelle devient, sous la plume de Malek Bennabi, un espace où les cœurs se rejoignent. Et où les âmes se transforment. Fidèle à son approche philosophique et spirituelle, Bennabi illustre à travers ce récit la métamorphose intérieure du héros, rendue possible par la foi et le voyage. Ce pèlerinage devient alors un itinéraire géographique doublé d’un cheminement intérieur, où chaque étape reflète une progression spirituelle.

Une réflexion sur l’aliénation et le déracinement

Bien que l’histoire s’ancre à Constantine, elle résonne au-delà de ce cadre local. On y retrouve des échos des expériences vécues par l’immigration algérienne en France. Notamment à travers la question de la consommation d’alcool, qui occupe une place centrale dans le roman.

Beaucoup ont longtemps pensé que ce problème concernait exclusivement ceux qui avaient émigré en Europe, exposés à un mode de vie éloigné de leurs repères culturels et religieux. Or, Bennabi montre que cette réalité existait également dans l’Algérie colonisée, où l’alcoolisation s’était insidieusement installée sous l’effet de la domination coloniale et de la désintégration progressive des structures sociales traditionnelles.

Ce constat invite à une réflexion plus large. La colonisation n’a pas seulement dépossédé les peuples de leur terre. Elle a aussi ébranlé leurs repères culturels et spirituels, modifiant en profondeur leurs comportements et leur rapport à eux-mêmes.

En révélant cette continuité entre la situation des immigrés et celle des colonisés restés au pays, Bennabi montre que le déracinement ne se joue pas uniquement dans l’exil physique. il est aussi dans l’aliénation intérieure, fruit d’un contexte historique et social qui dépasse les frontières.

Un récit entre sociologie et introspection spirituelle

Cependant, loin d’un simple constat sociologique, Bennabi aborde ce thème sous un angle profondément humain et inédit, privilégiant l’introspection à la condamnation, et la transformation à la rupture brutale.

Ainsi, Lebbeïk est bien plus qu’un récit de voyage. C’est une quête, un miroir tendu au lecteur, où se joue l’alchimie entre le temporel et le spirituel. Entre le poids du passé et la promesse du renouveau.

 

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