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«Dans nos pays arabes, il ne manque plus que deux révolutions sur cinq : celles du Yémen et de la Syrie et elles vont réussir.»
C’est en ces termes que le Dr Youssouf el Qaradhawi, Président de l’Union internationale des savants musulmans, s’est exprimé ce vendredi 09 décembre lors d’un discours télédiffusé sur la chaine Qatariote Aljazeera.
Par delà la surprise suscitée par un tel pronostic, arrêtons-nous sur les derniers noms de la liste du quinté gagnant : la Syrie et le Yémen.
On nous dira surement en guise d’argument qu’il s’agit avec l’Egypte, la Tunisie et la Libye, de pays arabes dictatoriaux.Mais si l’objectif est réellement la traque de tous les régimes arabes non démocratiques, pourquoi ne pas évoquer le Maroc et le Bahreïn. Ou encore Oman et l’Arabie Saoudite. Ou enfin le Qatar et le Koweït ou les Emirats arabes unis, la Jordanie… ?
Youssouf al Qaradhawi à propos du Bahreïn s’en est expliqué en ces termes : « La révolution du Bahreïn est une révolution sectaire : des shi’ites contre des sunnites…Tous les shi’ites sont contre les sunnites. Alors 450.000 sunnites se sont réunis à la mosquée el Fateh et ils ont dit nous aussi nous avons des demandes comme les shi’ites… Des shi’ites ont alors attaqué des sunnites… »
On a beau tourner et retourner l’argument, il nous glisse décidément entre les doigts.
Même si par la suite le conflit a pu prendre une dimension confessionnelle, pourquoi ne pas dire qu’à l’origine les manifestants demandaient une constitution démocratique et le changement d’une monarchie indécrottable depuis le 18ème siècle, en une monarchie constitutionnelle ?
L’intervention Saoudienne et Emirati aux Bahreïn avait-elle pour seul but d’arrêter des affrontements fratricides quant on sait que toutes ces pétromonarchies ont pour seul ennemi juré… l’Iran Shi’ite ? Est-ce le shi’isme qui les dérange ou l’Islam politique d’un pays qui a su imposer une souveraineté nationale réelle ?
La ligue arabe et à leur tête l’Arabie Saoudite et le Qatar somment la Syrie de faire cesser les violences et d’écouter la voix du peuple ! L’Hôpital qui se moque de la charité ?
Hier comme aujourd’hui, l’intérêt de cette ligue arabe est-il de mettre fin aux violences ? Si tel est le cas pourquoi est-elle restée muette face aux drames qu’ont vécu l’Algérie et le Soudan ou l’ex-Yougoslavie à une époque dramatiquement plus lointaine ou plus récemment le Bahreïn pour ne citer que ceux-là ?
Souvenez-vous : le 15 avril 1936, peu de temps après l’assassinant de Azzedine al Qassam, les palestiniens sous mandat britannique, engagent une manifestation générale et massive contre l’implantation des colonies juives. Le mouvement est stoppé plus de cent soixante dix jours après, suite à l’appel commun des souverains de l’Arabie Saoudite, de la Transjordanie et de l’Irak ; appel « à faire confiance aux bonnes intentions de notre amie, la Grande Bretagne. » On connait la suite de l’histoire…
Alors encore une fois pourquoi la Syrie et le Yémen ?
A moins que Bachar al Assad n’obtempère ou que les pays arabes mettent un terme au massacre de civils en Syrie, Cheikh Al Qaradhawi en appelle à l’intervention des Nations Unies.
L’ONU prompte, comme le sait tout un chacun, à secourir la veuve et l’orphelin comme elle le fit pour l’Irak, brandit en justification de son intervention en Syrie, plus de 5 000 morts et plus de 14 000 opposants détenus…
Combien y’a-t-il d’enfants de moins de 14 ans détenus dans les geôles israéliennes ou de femmes qui attendent dans la douleur et les larmes un mari ou un frère à jamais disparus ?
…
Nous aurions aimé que le Cheikh Youssef el Qaradhawi réponde à l’invitation de Saïd Ramadhan al Bouti, professeur à l’université de Damas, auteur d’un livre humaniste, visionnaire et sans faille: « Vers la civilisation humaine », best seller dans le monde musulman.
Il a invité le Dr al Qaradhawi à venir se rendre compte lui-même de la situation comme l’ont fait d’ailleurs des dizaines de délégations de journalistes, religieux, médecins, écrivains d’investigation … Il l’a invité à venir parler en personne à Bashar al Assad comme il avait d’ailleurs eu l’occasion de le faire lors des bombardements sur Gaza ; entretiens durant lesquels il n’avait pas manqué, selon Ramadhan al Bouti, de faire de plates éloges au Président Al Assad notamment à propos de son courage politique !
Ayant ses entrées auprès du Président syrien, pourquoi ne profite t-il pas de cette occasion inespérée pour l’entretenir des droits de l’Homme quant il sait que la région transformée en vraie poudrière risque de s’embrasser à tout moment, sans compter la présence aux aguets des frontières, d’un Israël invasif et barbare ?
Souvenons-nous de l’appel lancé par feu Mouamar al Kadhafi à tous les observateurs qui le souhaitaient, à venir constater de visu la situation. Invitation à laquelle Youssouf al Qaradhawi n’a jamais répondu.
Que lui en aurait-il coûté de le faire quant on sait que cette tragédie a fait des dizaines de milliers de morts et des dizaines de milliers de blessés ?
Qu’en coûte-t-il à tous ces savants et autres éminences dont les avis font autorité, de se rendre sur les lieux, de constater puis de venir témoigner en leur âme et conscience ? Que craignent-ils en faisant cela ? Ou plutôt qu’évitent-ils en ne le faisant pas ?
La déstabilisation de La Syrie, seul allié arabe de l’Iran dans la région servirait-elle à couper les canaux d’approvisionnement du Hezbollah libanais lui aussi shi’ite ou du Hamas sunnite ? La diversité multiconfessionnelle jusqu’alors apaisée de la Syrie dérange-t-elle ces monarchies sunnites du golfe ? Ne cherche t-on pas comme en 1936, à contenter les intérêts d’un Occident qui en contrepartie garantie la « stabilité » politique et le kursî ?
D’aucuns souhaitent un khalifat sous la forme d’une monarchie gouvernée par des illuminés et dont la religion d’Etat serait un Islam dépolitisé et agueusique. Autrement dit un pays de bigots moribonds, dont la seule politique étrangère serait la garantie d’un soutien inconditionnel à Israël et la vente sans condition d’un or noir qui leur restera un jour en travers de la gorge.
Ne semblant pas sensibles aux propos du Prophète de l’Islam, on peut espérer que ces monarques et autres défenseurs d’un Islam bien loin de celui d’un Salaheddin chevaleresque et magnanime, le soient aux propos de Jésus : « ….Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. »
Qu’ils se le disent la « loyauté » de leurs maitres n’est pas éternelle sans compter le fait que l’applaventrisme n’a jamais été une politique du long terme.
Au moment même où l’on faisait flotter le drapeau palestinien sur le bâtiment de l’UNESCO, Israël accélère l’implantation de ses colonies dans les territoires occupés…
Mais l’irréductibilité de certaines nations est un mythe chaque jour démenti par tous ces foyers de manifestation, d’indignation et de résistance à travers le monde.
Et que l’on ne vienne pas me dire que ce texte est un brûlot contre les révolutions arabes. Je n’ai jamais fait l’éloge des Saints alors que dire de tous ces S… qui depuis des décennies utilisent leurs peuples comme une serpillère ou un vulgaire marchepied.
Je comprends donc la joie de nos frères égyptiens et tunisiens et jamais du haut de notre « démocratie » nous ne pourrons mesurer le courage qu’ils ont eu.
Mais s’il faut changer le palier de sa porte, prenons garde et souvenons-nous que l’intérêt des grandes puissances n’a pas changé d’un iota et que dans leur constance ils sont prêts à tout mais surtout au pire.